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Le droit d'auteur, on en hérite ?




Si l’auteur atteint parfois la postérité par son œuvre, nul n’est immortel ; Et si l’on sait qu’une œuvre au sens « matériel » du terme peut théoriquement être transmise par le décès comme n’importe quel objet (un exemplaire du livre « Les Misérables », par exemple), le sort des droits concernant le contenu même de l’œuvre répond à un régime plus spécifique.


La création intellectuelle de l’auteur est donc un droit incorporel régi par des dispositions propres, qui ne peut être traité à l’instar d’un bien matériel : Il ne suffit pas d’acheter l’ouvrage de Victor Hugo en format poche pour en obtenir les droits, et de la même façon, acheter une toile de maître ne vous confère pas le droit d’en faire n’importe quoi.


Ce droit d’auteur, si particulier, peut être transmis à la mort de l’auteur à ses héritiers, mais uniquement sous certaines conditions.


  • Qu’est ce que le droit d’auteur ?

Le droit d’auteur doit s’appréhender par sa composition duale : Il s’entend comme un droit patrimonial conférant un monopole à l’auteur sur l’exploitation de sa création, mais aussi comme un droit moral permettant à l’auteur de faire respecter l’intégrité de cette création, d’en revendiquer la paternité ou encore d’en refuser la divulgation.


Ainsi, un sculpteur disposera de droits sur l’exploitation et la reproduction de son œuvre, et pourra en outre empêcher que cette œuvre soit divulguée, dénaturée, repeinte ou encore découpée. On peut penser en ce sens à l’affaire de la fontaine d’Hayanges qui avait fait grand bruit en 2014 : La mairie avait décidé de repeindre en bleu piscine l’œuvre qu’elle jugeait sinistre, et s’était attirée, à juste titre, les foudres de l’artiste, mécontent de voir son œuvre ainsi maquillée.


  • Que se passe-t-il à la mort de l’auteur ?

Ces droits d’auteur ont toutefois un statut bien particulier à la mort de l’auteur, et la division entre droit moral et droit patrimonial prend alors tout son sens.


D’une part, les droits patrimoniaux se transmettent aux héritiers pendant 70 ans après la mort de l’auteur : Ils conserveront ce monopole d’exploitation pour cette période, bénéficiant ainsi du droit sur la reproduction et l’exploitation de cette œuvre (article L123-1 du Code de la Propriété Intellectuelle).


D’autre part, les droits moraux sont perpétuels, inaliénables et imprescriptibles (Article L121-1 du Code de la Propriété Intellectuelle) : ils persistent aussi longtemps que l’œuvre existe, à l’exception du droit de retrait ou de repentir qui s’éteint au décès de l’auteur et n’est donc pas transmis aux héritiers. Les héritiers conservent donc le droit de divulgation des œuvres posthumes de l’auteur, le droit de paternité et le droit au respect de l’œuvre.


Quant à savoir qui hérite de ces droits, le testament permet de prévoir la dévolution des droits patrimoniaux et moraux de l’auteur ; A défaut, la dévolution successorale est organisée directement par la loi.

  • Peut-on faire une suite aux « Misérables » ?

L’exemple des « Misérables » n’a pas été choisi au hasard : En 2001, l’auteur François Cérésa a repris de célèbres personnages d’Hugo pour en faire des « Spin-off » : «Cosette ou le temps des Illusions », ou encore « Marius le fugitif ».


Le descendant de Victor Hugo, Pierre Hugo, attaqua l’auteur de ces suites en justice, et l’affaire alla jusque devant la Cour de cassation. Si le descendant finira par perdre, la Cour de cassation préférant favoriser la liberté artistique face à l’exercice du droit moral d’interdire les suites pour les héritiers, il n’en demeurera pas moins que la capacité d’agir de l’héritier ne sera pas remise en cause.


Comme le rappelle la partie défenderesse dans son argumentaire, Victor HUGO regrettait à son époque la "légèreté incompréhensible" de 'législateurs ignorants", mal inspirés d'avoir « mis un écart entre la mort de l'auteur et l'entrée en possession du domaine public », et dénonçait l'erreur qu'ils avaient pu commettre en croyant pouvoir considérer que "l'héritier du sang était l'héritier de l'esprit".


Voilà une action en justice qui aurait certainement fait sourciller le principal intéressé .

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