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Le désir de parentalité : l’évolution bienveillante du droit français


Après le débat sur le « mariage pour tous », auquel la loi du 17 mai 2013 a mis fin en ouvrant l’institution du mariage aux couples de même sexe, un autre sujet divise : celui de l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires, auquel peut s’associer le débat sur la gestation pour autrui (GPA) c’est-à-dire le recours à une « mère porteuse ».

Aujourd’hui, en France, la PMA est réservée aux couples hétérosexuels dont l’infertilité a été médicalement constatée, ou dont l’un des membres a une maladie d’une particulière gravité susceptible d’être transmise à l’enfant ou au partenaire (article L. 2141-2 du Code de la santé publique).

En l’état du droit positif, un couple de femmes ou une femme célibataire ne peut donc pas recourir à la PMA sur le sol français, mais peut se rendre à l’étranger, notamment en Belgique et en Espagne où une telle pratique médicale lui est ouverte. Néanmoins, en 2014, la Cour de cassation a émis deux avis favorables à l’adoption plénière d’un enfant conçu par PMA par la conjointe de la mère (C. cass., avis, n°15011, 22 septembre 2014). Dès lors, pourquoi limiter ce droit aux seuls couples hétérosexuels ? D’autant que selon un sondage réalisé en mars 2017, 61% des français seraient favorables à l’ouverture de la PMA aux couples de femmes.

Pendant la campagne présidentielle, le président Macron s’était déclaré « favorable à l’ouverture de la procréation médicalement assistée pour les femmes seules et les couples de femmes », mais avait indiqué qu’il attendait l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE).

Cet avis, tant attendu par les militants LGBT, a finalement été rendu le 27 juin 2017 (avis n°126) et les deux tiers des membres du CCNE se prononcent en faveur de l’ouverture de la PMA pour les couples de femmes et les femmes célibataires. Le Comité estime en effet que « l’ouverture de la PMA à des personnes sans stérilité pathologique peut se concevoir pour pallier une souffrance induite par une infécondité résultant d’orientations personnelles ». Bien que cet avis soit purement consultatif, il apporte le « consensus » qu’attendait le président Macron afin de modifier la loi.

En revanche, dans ce même avis, le CCNE se montre totalement opposé à l’introduction de la gestation pour autrui (GPA) sur le territoire français. Cette pratique est en effet interdite en France au nom du principe d’indisponibilité du corps humain garanti par l’article 16-7 du Code civil. Néanmoins, cette pratique étant légale dans certains pays, notamment la Belgique ou les Etats-Unis, la question s’est posée des effets en France en cas de convention de mère porteuse réalisée dans ces pays. Sur cette question des effets, et plus précisément de la filiation de l’enfant né d’une telle pratique à l’égard des parents dits « d’intention », la jurisprudence de la Cour de cassation évolue vers plus de tolérance.

Dans un premier temps, la Cour s’opposait totalement à la transcription à l’état civil de ces parents d’intention (Civ. 1re, 6 avril 2011, n° 09-66.486 et n° 10-19.053). Les parents ayant eu recours à une mère porteuse à l’étranger ne pouvaient donc pas établir leur lien de filiation à l’égard de l’enfant ainsi né en France.

Ce refus catégorique a néanmoins été jugé contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans les célèbres arrêts Mennesson et Labassée, la Cour européenne des droits de l’homme a en effet condamné la France au motif que la solution dégagée par la Cour de cassation, qui revient à ne pas reconnaître la filiation biologique de l’enfant, porte atteinte au droit au respect de la vie privée de l’enfant (CEDH, 26 juin 2014, n° 65192/11, Mennesson c/ France, et n° 65941/11, Labassé c/ France).

Ainsi, prenant acte de cette condamnation, la Cour de cassation a admis, en 2015, la transcription à l’état civil, mais uniquement à l’égard du parent biologique (Cass., ass. plén., 3 juillet 2015, n° 14-21.323 et n° 15-50.002). A la suite de cet arrêt, un enfant né par GPA à l’étranger verra sa filiation établie en France à l’égard de la mère porteuse, et du père d’intention, lesquels sont les parents biologiques de l’enfant.

Enfin, la tolérance de la Cour de cassation s’est illustrée récemment par quatre arrêts rendus le 5 juillet 2017 (Civ.1re, 5 juillet 2017, n° 16-16.455, n° 16-16.901, n° 15-28.597 et n° 15-20.052). Dans ces affaires, bien que la Cour de cassation confirme son refus de transcrire complètement les actes de naissance étrangers à l’égard de la mère d’intention, l’audace réside dans l’autorisation à l’adoption, d’un enfant conçu par mère porteuse, par le parent d’intention c’est-à-dire le conjoint du parent biologique.

En l’espèce, il s’agissait d’un couple d’hommes ayant bénéficié d’une convention de mère porteuse en Californie. L’enfant ainsi né a, par la suite, été reconnu par le père biologique et la mère porteuse et la transcription à l’état civil français a été possible. Après le mariage du couple en 2013, sous la vigueur de la loi du 17 mai 2013, le conjoint du père biologique introduit une demande d’adoption simple, demande rejetée par le tribunal de grande instance de Dijon. De même, l’arrêt d’appel ayant donné lieu au pourvoi en cassation (Dijon, 24 mars 2016, n° 15/00057) avait rejeté cette demande au motif que l’atteinte à l’intérêt de l’enfant n’est pas disproportionnée par rapport à la violation du principe d’ordre public de la nullité d’une convention de mère porteuse (article 16-7 du Code civil). Cet arrêt a été cassé par la Cour de cassation au motif que la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe a pour effet « d’autoriser l’adoption et donc la création d’un lien de filiation » entre l’enfant et un couple homosexuel, sans aucune restriction relative au mode de procréation.

Dès lors, de part l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires, en bonne voie, et les effets en France d’une GPA pratiquée à l’étranger, dont la Cour de cassation opte aujourd’hui pour une voie intermédiaire entre refus et transcription complète, le droit français semble s’orienter vers une satisfaction, toujours plus grande, du désir d’être parents.

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