Droit et violences conjugales, quelle protection pour les victimes ?
« Honorons les mortes, protégeons les vivantes » dit une suite de lettres noires sur papier blanc généreusement collées sur un mur de la rue Saint-Jacques. Dans de nombreuses rues de Paris, il est possible de trouver de tels messages clandestinement collés sur les murs de pierre de taille des bâtiments haussmanniens, dénonçant les violences faites au femmes. Ainsi les promeneurs de la rue Dante n'ont pas manqué de lire « 103e féminicide, anonyme, 76 ans, tuée à la hache ». Dans une même volonté de prise de conscience et d'hommage aux victime, l'Hôtel de Ville de Paris déployait sur sa majestueuse façade, le 28 aout 2019, les noms des 97 femmes tuées par leur compagnon, partenaire ou époux depuis janvier 2019.
Quelle est cette criminalité généralisée au sein des couples qui fait des centaines de morts chaque année ? Que prévoit le droit pour vous en protéger ? Il existe aujourd'hui en France des lois pensées pour protéger l'individu sur qui pèse en danger inhérent à son couple, ou au couple qu'il formait avec une personne et dont il craint les violences. Il s'agit, que ce soit dans le cadre d'un divorce ou dans l'urgence de trouver une protection face aux menaces qu'une personne présente pour notre intégrité, de dispositifs dans lesquels les professionnels de la justice s'efforcent d'accompagner au mieux la victime. Les réformes de 2010 et de 2014 ont renforcé ces dispositifs.
L'éviction pure et simple du foyer de l'individu violent est impensable en présence d'enfant, du moins lorsque la violence se limite aux rapports au sein du couple et n'affecte pas les enfants. L'intérêt des enfants, dont l'éducation requiert la présence du père, entre alors en concurrence avec la nécessaire sécurité du conjoint victime. La prise de conscience de l'absolue nécessité de protéger les conjoints/partenaires/concubins victimes a déplacé le curseur des priorités sur cet enjeu, quitte à revoir à la baisse l'exigence de maintien du modèle traditionnel de famille, étant préférable de voir un ménage subir l'absence d'un parent que d'y voir peser l'insécurité pour ses membres.
La priorité désormais donnée à la protection des victimes de violences au sein du couple, les dispositifs de protection mis en place par le droit
Il est aujourd'hui admit que l'urgence est à la protection de la personne menacée au sein de son couple. L'apport de La loi n°2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommesconsiste entre autres en
un renoncement progressif à la médiation pénale qui donnait l'illusion d'une symétrie de responsabilité entre l'un des conjoints dans son attitude violente d'une part, et l'autre conjoint dans le déclenchement ou la supposée provocation de ces violences d'autre part. Elle présente également la carence de son mépris de la circonstance que les violences conjugales ont souvent lieu dans un contexte d'emprise d'un des époux sur l'autre, incompatible avec la mise en place d'un dialogue
elle généralise par ailleurs le dispositif « téléphone grand danger » qui permet aux victimes, sous certaines conditions et pour une certaine durée, d'alerter les autorités en cas de menace d'un grave danger pensant sur elle, de façon à permettre sa géolocalisation au moment où elle déclenche l'alerte ;
le perfectionnement des mesures de protection de la personne se trouvant en danger du fait de son couple actuel ou passé.
Que prévoit le droit pour vous protéger ?
Sur le terrain civil, la loi prévoit ainsi pour tous types de violences, y compris à l'encontre des enfants, fussent-ils des enfants non issus du couple, la possibilité de voir le juge délivrer une ordonnance de protection dès lors que la personne parvient à l'aide de son avocat à démontrer la vraisemblance des faits allégués. L'époux victime pourra alors obtenir
la jouissance de la résidence conjugale à l'époux victime (quand divorcés)
la caractérisation d'un manquement grave aux obligations entre époux, pouvant déboucher à divorce pour faute aux torts exclusifs de l'auteur des violences
l'éloignement de l'époux violent
organisation d'une résidence séparée
interdiction à l'époux violent d'entrer en relation avec l'époux victime
faculté du juge de prononcer interdiction du port d'arme
le maintien de l'époux violent hors de connaissance de la nouvelle adresse de l'époux victime
Ces mesures sont également prévues hors du cadre du mariage (pacs ou concubinage).
Sur le terrain pénal, ces violences correspondent à des comportement incriminés pénalement, et punissables en tant que tels à condition de solliciter les autorités compétentes pour recueillir le signalement et le dépôt de plainte. Le juge pénal peut prononcer des mesures beaucoup plus restrictives selon la gravité des faits et de leurs conséquences.
Aujourd'hui le lien conjugal (actuel ou passé), auparavant circonstance atténuante, et devenue une circonstance aggravante. Cela concerne les violences qui entrainent des incapacités de travailler, le harcèlement moral, les menaces de mort, les agressions sexuelles et le viol, les homicides involontaires et le meurtre.
Néanmoins, la gravité des mesures susmentionnées, qui souvent aboutissent à l'éloignement d'un parent de l'ensemble d'un foyer, ou le prive de la résidence qui constituait son logement, justifie une appréciation stricte de la part des juges quant aux conditions de mise en œuvre des mesures pénales comme civiles. Aussi est-il indispensable pour tout individu désirant entamer de telles démarches, de se voir au préalable minutieusement conseillé, et si possible d'être accompagné par un avocat compétent en la matière durant la procédure.