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Parent n’ayant pas la garde de votre enfant, êtes-vous responsables des dommages qu’il cause ?

Dans une décision relative à une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) en date du 21 avril 2023, le Conseil constitutionnel a dû se prononcer sur la conformité ou non du principe selon lequel le parent chez qui l’enfant a sa résidence habituelle est civilement responsable des dommages causés par l’enfant alors même que l’enfant était chez son autre parent au titre du droit de visite et d’hébergement.


L’article 1242 alinéa 4 du Code civil énonce que « le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux. ». La QPC soulevait l’inconstitutionnalité du passage « habitant avec eux » en affirmant que ce passage créé une différence de traitement injustifiée entre les parents divorcés mais également une différence de traitement vis-à-vis des victimes elles-mêmes qui ne pourraient alors pas rechercher la responsabilité de plein droit de l’autre parent. Les requérants affirmaient que cela méconnaissait également le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant car l’autre parent ayant le droit de visite et d’hébergement pourrait alors se désintéresser de l’éducation de l’enfant. Ici, le Conseil constitutionnel se doit de prendre en compte les éléments de la jurisprudence de la Cour de cassation qui a défini le concept de cohabitation.


La Cour de cassation a dû définir ce que le passage « habitant avec eux » signifiait afin de pouvoir répondre aux litiges qui lui étaient soumis. Néanmoins, cette définition et conception de la cohabitation a évolué au fil des différents arrêts. Tout d’abord, la Cour de cassation a reconnu une conception matérielle. Dans un arrêt de 1989, la seconde chambre civile de la Cour de cassation a jugé que « la cessation temporaire et pour une cause légitime de leur cohabitation mettait le père dans l'impossibilité d'exercer son devoir de surveillance sur son fils et d'empêcher le fait dommageable ».


Cette conception désigne alors la cohabitation au sens matériel, cela signifie que si l’enfant habitait chez ses parents au moment du dommage cela emporte la responsabilité de ses parents. Au contraire, si au moment des faits, l’enfant n’habite pas chez ses parents alors il n’est pas possible d’engager la responsabilité des parents sur le fondement de l’article 1242 alinéa 4 du Code civil. Cette vision s’explique par le fait que les parents peuvent agir directement sur le comportement de l’enfant lorsqu’il habite chez eux. Cette conception se base alors sur le devoir d’éducation des enfants et les juges souhaitent inciter les parents à agir plus directement vis-à-vis de l’enfant. Lorsque les parents sont dans l’incapacité d’exercer ce rôle, leur responsabilité n’est alors pas engagée. La conception est alors concrète et elle se colle à la lettre de la loi. Cependant, cette conception est aujourd’hui délaissée par les juges qui ont choisi de définir la cohabitation d’une autre façon.


Désormais, la Cour de cassation perçoit la notion de cohabitation sous un angle purement juridique, abstrait. Dans cette conception, il ne semble pas nécessaire que l’enfant réside bien chez ses parents au moment des faits. Il suffit que l’enfant ait sa résidence habituelle chez ses parents pour que leur responsabilité puisse être engagée. Cette vision a soulevé des questions concernant la responsabilité des parents séparés, divorcés. Dans un arrêt SAMDA (2ème civ., 19 février 1997, 93-14.646), la Cour de cassation a jugé que « l'exercice d'un droit de visite et d'hébergement ne fait pas cesser la cohabitation du mineur avec celui des parents qui exerce sur lui le droit de garde ». Ainsi, même si l’enfant habitait chez l’autre parent qui exerçait son droit de visite et d’hébergement, le parent qui a la résidence habituelle, sa garde reste responsable. Cette conception était alors au cœur des questions posées au Conseil constitutionnel.


Dans sa décision, le Conseil constitutionnel rappelle que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que la loi, si l’intérêt général l’exige, puisse gérer de façon différente des situations différentes. Concernant la différence de traitement entre les parents, le Conseil constitutionnel répond que la différence de traitement résulte directement de la loi et de son objet. De plus, concernant la différence de traitement liée aux victimes, il est répondu que la responsabilité du parent ayant la résidence habituelle n’empêche pas les victimes de rechercher la responsabilité personnelle de l’autre parent qui a pu commettre une faute personnelle notamment un défaut de surveillance.


Par conséquent, le Conseil constitutionnel juge que l’alinéa 4 de l’article 1242 et par conséquent la vision abstraite de la cohabitation qui a été faite par la jurisprudence sont conformes à la Constitution. Ainsi, le parent ayant la résidence habituelle de l’enfant reste pleinement responsable sur le fondement de la responsabilité des parents du fait de leur enfant même si au moment du dommage, l’enfant était chez son autre parent qui exerçait son droit de visite et d’hébergement. Si une garde alternée est mise en place, il semble que la responsabilité est transférée selon la modalité de garde appliquée. Ainsi, si la garde correspond à une semaine sur deux, les parents sont responsables la semaine où l’enfance a sa résidence habituelle chez eux.

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