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La reconnaissance d’un droit à l’oubli en ligne pour les mineurs


Tout d’abord, qu’est-ce que le « droit à l’oubli » ?

On parle de « droit à l’oubli » pour désigner les revendications légitimes d’une personne à ne pas voir des informations sur son passé interférer avec sa vie actuelle.

Initialement, le droit à l’oubli n’est pas réservé à la sphère d’Internet et dans le système juridique français, on trouve des manifestations implicites de ce droit, notamment par les règles de prescription et la loi d’amnistie. On trouve également des manifestations plus explicites, avec la loi du 26 juillet 2016 de modernisation de notre système de santé qui pose, en son article 70, un véritable droit à l’oubli au bénéfice des anciens malades du cancer.

Le droit à l’oubli en ligne, ou droit à l’oubli numérique, pose des difficultés particulières car, par définition, les réseaux tendant vers une espèce d’éternité, la dimension numérique ayant une mémoire potentiellement éternelle avec une capacité de démultiplication à l’infini. En outre, les acteurs de cet environnement virtuel sont peu enclins à limiter l’impact de cette démultiplication.

Dès lors, comment garantir le droit à l’oubli dans la sphère numérique et surtout protéger les personnes les plus vulnérables, les mineurs ?

Le droit à l’oubli numérique a été initialement consacré dans le droit de l’Union européenne par l’arrêt Google de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et actuellement prévu par le nouveau règlement européen relatif à la protection des données qui sera applicable à partir du 25 mai 2018.

Jusqu’à cette date, c’est la directive n° 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données qui reste applicable. Certes, cette directive ne prévoit pas le droit à l’oubli numérique. Néanmoins, elle consacre à son article 12 le droit pour toute personne concernée à « la rectification, l’effacement ou le verrouillage des données dont le traitement n’est pas conforme à la présente directive, notamment en raison du caractère incomplet ou inexact des données » et également un « droit d’opposition ».

Cette directive a été transposée en droit français par la loi n° 2004/801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’information. Cette loi prévoit que toute personne physique peut exiger du responsable d’un traitement l’effacement des données à caractère personnel la concernant non seulement pour des raisons prévues par la directive, mais également en raison du fait qu’elles soient « périmées ». Elle consacre donc le droit à l’effacement, c’est-à-dire le droit d’une personne à faire disparaître, à supprimer du réseau électronique un contenu susceptible de lui nuire.

Puis, par l’arrêt Google Spain du 13 mai 2014, la Cour de justice de l’Union européenne a reconnu un droit au déréférencement, c’est-à-dire le droit de demander à exclure des moteurs de recherche certains termes, qui seront exclus des résultats de la recherche dans le futur. A la différence de l’effacement, il ne s’agit pas de supprimer le contenu de l’information, mais de supprimer l’accessibilité de ce contenu via le moteur de recherche.

La Cour de justice consacre donc le droit personnel au déréférencement, ce droit de demander le déréférencement des informations portant sur son identité. Le droit à l’oubli va donc primer par principe. Néanmoins, dans son considérant 99, la Cour de justice énonce que « tel ne serait pas le cas s’il apparaissait, pour des raisons particulières, tel que le rôle joué par ladite personne dans la vie publique, que l’ingérence dans ses droits fondamentaux est justifiée par l’intérêt prépondérant dudit public à avoir, du fait de cette inclusion, accès à l’information en question ». Dès lors, lorsque la personne qui invoque le droit à l’oubli à un rôle sur le plan public, le droit à l’histoire du public va l’emporter sur le droit au déréférencement.

La reconnaissance du droit à l’oubli a été poursuivie par le Parlement européen et le Conseil. En effet, le règlement (UE) n° 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données prévoit ce droit à l’oubli dans son article 17. Ce droit est défini comme « le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement, dans les meilleurs délais, de données à caractère personnel la concernant ».

L’article 17 prévoit de manière limitative les circonstances dans lesquelles la personne concernée dispose de ce droit, notamment lorsque les données à caractère personnel ne sont plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées d’une autre manière, ou lorsque la personne concernée retire son consentement au traitement ou s’y oppose.

Le règlement pose également des limites à ce droit à l’oubli, à savoir notamment lorsque le traitement des données est nécessaires à l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information, ou encore nécessaire pour des motifs d’intérêt publique dans le domaine de la santé publique.

En parallèle de ce droit au déréférencement s’est également posée la question particulière du droit à l’oubli en ligne pour les mineurs, qui est la population la plus vulnérable sur Internet.

La première innovation majeure concernant la protection des mineurs dans ce cadre vient de la loi californienne du 1er janvier 2015 (Erase Law) qui reconnaît formellement le droit à l’oubli. Elle permet aux mineurs californiens de moins de 18 ans de réclamer le retrait total de certains éléments de leur identité qui seraient présent en ligne.

Influencé par l’initiative américaine, le législateur français est intervenu afin de protéger les mineurs des erreurs de jeunesse. Ainsi, la loi du 6 août 2004 a été modifiée par la loi n° 2016/1321 pour une République numérique du 7 octobre 2016, laquelle introduit le droit à l’oubli uniquement en ce qui concerne les mineurs, plus précisément en ce qui concerne « les données à caractère personnel qui ont été collectées dans le cadre de l’offre de services de la société de l’information lorsque la personne concernée est mineure ». Sur simple demande de la personne concernée, le responsable du traitement est donc tenu d’effacer ces données « dans les meilleurs délais ».

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